Flore locale

Base de connaissances sur les végétaux locaux


Dormance, stratification et levée de dormance

De Flore locale

Phénomènes de dormance et de levée de dormance[modifier | modifier le wikicode]

La plupart des graines sont inaptes à germer lorsqu'elles tombent au sol, du fait de phénomènes de dormance. La dormance des semences s'explique par divers facteurs : présence d'inhibiteurs de la germination au sein de la graine, résistance mécanique des enveloppes externes au développement de l'embryon, imperméabilité physique ou chimique des enveloppes à l'eau ou à l'oxygène, etc. Ces phénomènes biologiques complexes qui retardent la germination de la graine sont une adaptation des plantes au climat, leur permettant de se développer à une période favorable, en général au printemps. En conditions naturelles, la levée de dormance est permise par l'alternance de facteurs abiotiques au gré des saisons - température élevées puis basses, sécheresse puis humidité, obscurité puis lumière - couplée à l'action du vivant - altération du tégument de la graine par des champignons, ou grâce à l'ingestion par des animaux, etc.

La dormance est de plusieurs ordres (voir schéma page suivante) :

  • Elle est “physique” lorsque la germination est bloquée par une paroi dure, qui se désagrège naturellement sous l’action des champignons du sol ou qui s’enlève par frottement (avec papier de verre, dans une bétonnière avec du sable ou des graviers) ou par l’action d’acide ou d’eau bouillante (c’est le cas des légumineuses ; mettre les graines dans six fois leur volume d’eau chaude bouillante pour lever la dormance).
  • Elle est “physiologique”, et de durée variable selon les espèces, lorsque le cycle de la plante exige un temps de repos obligatoire entre la chute des graines et la germination. La germination est alors empêchée par des inhibiteurs internes à la graine. Pour lever la dormance, il faut un temps variable selon les espèces de stratification froide (ou chaude). Cette stratification est dite peu profonde à profonde et impose des temps de stratification plus ou moins long.
  • Elle est “morphologique” lorsque l’embryon de la graine qui tombe de l’arbre n’est pas “fini”, c’est-à-dire qu’il n’est pas complètement mature. La graine a alors besoin d’un temps “chaud” pour finir de mûrir. On passe alors par la stratification chaude (sèche ou humide en fonction des espèces) pour finir cette maturation. Cela explique pourquoi il faut bien respecter le temps de stratification chaude pour les espèces le nécessitant. Cette question de dormance morphologique expliquerait certainement pourquoi, pour une même espèce, ceux qui font la stratification chaude ont des levéeshomogènes et ceux qui ne font que la stratification froide ont des levées hétérogènes et faibles (car toutes les graines ne sont alors pas matures). Enfin, certaines espèces ont plusieurs dormances, ce qui complexifie encore plus leur germination ! C’est le cas des espèces exigeant une stratification chaude ((pour lever la dormance morphologique) puis une stratification froide (pour lever la dormance physiologique). Et parfois, il faut ajouter à cela une nouvelle stratification chaude, puis froide, etc… Le rôle du pépiniériste est donc de "mimer" l'action de la nature pour lever la dormance des graines : c'est le principe de stratification.


Enfin, certaines espèces ont plusieurs dormances, ce qui complexifie encore plus leur germination ! C’est le cas des espèces exigeant une stratification chaude ((pour lever la dormance morphologique) puis une stratification froide (pour lever la dormance physiologique). Et parfois, il faut ajouter à cela une nouvelle stratification chaude, puis froide, etc… Le rôle du pépiniériste est donc de "mimer" l'action de la nature pour lever la dormance des graines : c'est le principe de stratification.

Différentes dormances[modifier | modifier le wikicode]

Dormances : schéma de synthèse / Source : Axelle Roumier Conservatoire botanique national Massif Central

Stratification des graines[modifier | modifier le wikicode]

La stratification est un ensemble de techniques permettant la levée de dormance et donc la germination. Deux grands principes de stratification sont présentés ci-dessous. Ils reposent sur un principe commun, celui de placer les graines au contact d'un substrat humide, à des températures tantôt chaudes ou froides.

La stratification “naturelle” est la méthode la plus facile à mettre en oeuvre, mais aussi la plus incertaine du fait des aléas climatiques. Les graines sont mélangées à un substrat de composition variable (voir ci-contre “Quel substrat choisir ?"). Le substrat est ensuite mélangé aux graines, de sorte que les graines ne soient plus en contact les unes avec les autres (1 à 2 poignées de substrat par poignée de graine). Le tout est placé dans un conteneur (caissette, jardinière, seau...) drainé et percé pour éviter l'accumulation d'eau au fond. Une alternative consiste à disposer les graines et le substrat par "strate" successive à la manière... d'un plat de lasagnes.

Il est important de protéger les mélanges des ravageurs (micro-mammifères, oiseaux...) par du grillage à mailles fines, voire par un système électrique pour les espèces les plus sensibles comme la noisette. Les conteneurs et leurs mélanges sont ainsi “oubliés” à l'extérieur durant l'hiver, idéalement au pied d'un mur exposé au nord. Le choix de protéger ou non les mélanges de la pluie est encore débattu, les deux techniques ayant fait leurs preuves.

Les lots de graines sont régulièrement contrôlés, pour surveiller le taux d'humidité, d'éventuels développements de champignons ou bactéries, et surveiller les premiers signes de germination des graines. Les lots de graines n'ayant pas germé sont maintenus sur place une année supplémentaire, en s'assurant qu'ils conservent un niveau suffisant d'humidité.

La stratification “contrôlée” nécessite un suivi plus important mais n'est pas soumise aux aléas extérieurs (climat, déprédation). Les règles de mélange des graines au substrat sont identiques à la stratification naturelle. Le mélange graines-substrat est placé dans des sachets plastiques ou autres conteneurs adaptés, en fonction du volume des graines et du matériel disponible.

Les lots sont ainsi placés en stratification chaude (environ 25°C) ou froide (environ 3°C) pendant des durées propres à chaque espèce (voir Tableau de stratification des espèces). La stratification chaude peut se faire dans une pièce dédiée, par exemple devant un radiateur, ou sur des nappes chauffantes pour un meilleur contrôle. Des alternatives plus naturelles sur “couches chaudes” de fumier sont à tester. La stratification froide se fait au réfrigérateur ou en chambre froide. Le réfrigérateur, moins onéreux, demande une plus grande vigilance quant aux variations de température dans le temps et en son sein entre le haut et le bas, le fond et la porte. Comme pour la stratification naturelle, les lots sont régulièrement contrôlés (humidité, moisissures, germination) et un peu mélangés ; à minima une fois par mois au début de stratification, puis tous les 15 puis 8 jours en fin de stratification. En cas de pourriture, il faut s'assurer de bien remélanger.

Quel substrat choisir ?[modifier | modifier le wikicode]

Tourbe + sable © Mission Haies Auvergne Rhône-Alpes
Tourbe + sable © Mission Haies Auvergne Rhône-Alpes
Substrat stratification vermiculite © Mission Haies Auvergne Rhône-Alpes

Le choix du substrat dépend du type de stratification. Pour une stratification “naturelle”, un substrat lourd est conseillé : sable siliceux à grain rond (plutôt issus de rivière), tourbe, en proportions variables. Pour une stratification “contrôlée”, un substrat léger est recommandé : vermiculite, perlite, tourbe+sable, en proportions variables.

Quel que soit le substrat utilisé, il est conseillé de le stériliser au préalable pour limiter le développement de bactéries et champignons non-désirés, par un traitement physique (au four) ou chimique (javel). Le sable récupéré est rincé pour en éliminer certaines impuretés (sel...).

Chaque substrat présente ses avantages et inconvénients : coût, facilité de travail, impact environnemental, etc. De façon générale, plus les graines sont fines (Sureau, Troène...), plus le substrat doit être fin ; plus elles sont grosses (Prunus sp, Néflier...), plus il peut être grossier. Dans le cas d'un semis en plaque alvéolée “graine par graine”, il est préférable de tamiser le substrat à une maille inférieure au diamètre des graines, de sorte à facilement séparer graines et substrat en fin de stratification.

Surveillez vos graines en stratification une fois par semaine, surtout avant les dates programmées des semis.

Comment contrôler l'humidité du mélange ?[modifier | modifier le wikicode]

Le substrat doit en permanence être maintenu humide, mais jamais détrempé. Cela se contrôle facilement avec la perlite et la vermiculite : en pressant le substrat dans la main, quelques gouttes d'eau perlent. Pour les mélanges tourbe (1/3) - sable (2/3), le bon taux d'humidité dans des sacs plastiques se vérifie par l'adhésion des graines de sables et tourbes aux parois du sachet ; et l’aptitude du mélange à tenir debout comme si l’on voulait faire un “château de sable”.

Que faire si le substrat est trop sec ?[modifier | modifier le wikicode]

Quelques jours après le début de la stratification et selon les espèces, les graines absorbent de l'eau, en particulier si elles ont été trop fortement déshydratées durant leur stockage ; il faut alors en ajouter. Quelques jours avant la fin de stratification, ce même phénomène se produit : la graine gonfle en absorbant de l'eau. Il s’agit là des prémices de la germination. Il suffit dans tous les cas de rajouter de petites quantités d'eau, par vaporisation ou aspersion puis de contrôler de nouveau l'humidité quelques jours plus tard.

Que faire si le substrat est trop humide ?[modifier | modifier le wikicode]

Il arrive que le substrat soit trop humide, suite à un ajout d'eau trop important, ou plus occasionnellement lorsque les graines ont “rejeté” de l'eau (cas de l'Érable par exemple). Il suffit de rajouter de petites quantités de substrat sec au mélange pour abaisser son taux d'humidité. Contrôler de nouveau l'humidité quelques jours plus tard.

Que faire si le substrat moisit ?[modifier | modifier le wikicode]

Certaines espèces sont plus sensibles que d'autres à la moisissure (Fusain, Érables, Nerprun...). Un brassage énergique du mélange suffit généralement à rectifier le problème. Le cas échéant, il faudra contrôler le taux d'humidité, qui est peut-être trop important.

Scarification et stratification, quelle différence ?[modifier | modifier le wikicode]

La stratification regroupe l'ensemble des techniques permettant la levée de dormance. La scarification est l'une d'entre elles. La scarification consiste à abîmer physiquement ou chimiquement l'enveloppe externe de la graine présentant une dormance physique pour en favoriser la germination. Plusieurs techniques existent, selon les espèces : traitement à l'acide sulfurique, frottement sur un papier abrasif, passage au feu, ébouillantage des graines, etc. Ces techniques sont utiles sur des espèces comme l'Aubépine, qui peut ainsi être stratifiée en quelques mois au lieu d'une à deux années.

Stratification : retours d'expérience[modifier | modifier le wikicode]

Le tableau suivant présente des retours d’expérience en matière de stratification. Il est issu d’un travail mené par Florent Dupont de Fraxinus Sp et Sylvie Monier de la Mission Haies Auvergne Rhône-Alpes. Certaines données sont manquantes, elles appellent votre retour d’expériences.


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